L’héritage d’Isidore, une histoire à raconter

L’histoire d’Isidore est d’abord celle d’un héritage familial, d’une mémoire à transmettre. Histoire et mémoire sont devenues un projet, au début de l’année 2021. Elles deviendront un livre, pour dire à tous ces vies françaises.

Une famille juive déportée, résistante, cachée

Tant qu’on se souvient de votre nom, vous êtes vivant. Isidore est né à Marseille en 1910 de parents juifs ottomans ayant fui l’actuelle Turquie face à la fièvre nationaliste. Ils ont choisi la France, terre des droits universels. Isidore y est devenu Français, a accompli son service militaire : sergent Isidore. Vichy l’a fait juif.

Mobilisé en 1940 dans sa ville de Metz, il a perdu son travail de fonctionnaire en 1941, chassé par les lois anti-juives de Pétain. Démobilisé, il a rejoint Simone, réfugiée à Toulouse avec Monique et Marylène, deuxième fille née sur la route de l’exode en 1939. Ils s’y étaient installés dans l’espoir d’une vie normale.

Les lois anti-juives de Vichy, signées par Pétain, en ont décidé autrement. Effrayés pour leurs filles, Isidore et Simone les ont cachées dans un couvent de l’Aveyron, tenue par des sœurs catholiques : Notre-Dame-de-Massip. Monique et Marylène, 6 et 3 ans, y ont été cachées par Denise Bergon et Marguerite Roques.

Pour survivre, Isidore et Simone devaient disparaître. Les maquis des montagnes noires près de Castres, havre protestant, ont été leur salut. Isidore a pris le seul maquis juif de France. Isidore a repris les armes : fusils usés et mitraillettes parachutées. Les maquisards ont libéré Castres et Albi en août 1944.

Une fois le Tarn libéré par les maquis unifiés, ces Forces françaises de l’Intérieur ont rejoint la Première armée de Libération du général Jean de Lattre de Tassigny, dans le 12ème Régiment de Dragons. Écusson : Rhin et Danube. Combats : Vosges, Alsace, Colmar, ligne Siegfried. L’adjudant-chef Isidore a fini sa guerre sur les bords du lac de Constance, en Allemagne, où il a défilé devant le général Charles de Gaulle.

Il a rejoint Simone, Monique et Marylène. Ils ont cherché Victor, Rachel, Léon, Joseph, Florence, Marco : leurs parents, des oncles, des tantes, des cousins, un petit frère. Ils n’avaient plus de nouvelles depuis 1942 et 1943. Isidore et Simone ont retrouvé leurs noms : dans des listes d’internés à Drancy, dans des bordereaux de convois de déportation vers Auschwitz. Ils avaient gagné la guerre mais perdu leurs familles, raflées à Paris.

Isidore et Simone ont mis leur énergie à faire reconnaître le sort des leurs. Ils ont obtenu la reconnaissance de leur statut de « victimes des persécutions national-socialiste ». Ils ont fait reconnaître comme Justes parmi les Nations celles qui ont sauvé leurs filles. Et ils ont arrêté d’en parler. Ils n’ont pas écrit. Coupables de vivre.

Mais ils ont conservé des documents. Avec ces centaines de pages et les archives du Mémorial de la Shoah, du Service Historique de la Défense, des villes où ils ont vécu, survécu et combattu, je vais raconter leur histoire.

Ce livre sera un récit historique, une enquête

Je, ce n’est pas Isidore, mort en 2000, qui raconterait d’outre-tombe son histoire. Je, c’est Simon Louvet, arrière petit-fils d’Isidore, petit-fils de Marylène et journaliste pour actu Paris. Je vais raconter cette histoire familiale, française et universelle. Je vais la raconter comme un journaliste. Ce livre sera un récit historique, une enquête basée sur des archives sourcées, sur le travail d’historiens. Sans romance. Il racontera l’arrivée d’une famille étrangère dans un pays qu’elle a fait sien, qui a voulu l’exterminer, qu’elle a défendu et n’a cessé d’aimer.

Ce livre est en construction. Ses fondations sont cet héritage qui a forgé mon goût de l’histoire et ma vocation de journaliste. L’idée est née d’un reportage à Auschwitz pour 76actu. Un œil professionnel sur un lieu central d’une histoire personnelle. J’ai grandi dans cette histoire, dans l’athéisme et dans l’amour de la France, de sa démocratie. Un amour conscient de la noirceur qui s’est emparé de ce pays si beau, si riche. Ce livre, d’abord intime, sera une chose publique. Une res publica. Pour l’intérêt général.

Je devais raconter cette histoire, transformer ces petits cailloux qui m’ont façonné en une maison de pierre qui résiste au temps. C’est le sens de ce livre : un abri pour un héritage familial, ouvert aux autres. Un acte de mémoire intime, un objet de souvenir universel. C’est l’objet de ce site internet, doublé d’un compte Twitter et triplé d’un compte Instagram. Au fil des semaines et des mois, ce projet réellement entamé en janvier 2021 va prendre de l’ampleur. Je découvrirai des archives, ces petits cailloux. Je vous ferai vivre ce chantier jusqu’à son terme, quand la maison de pierre aura son toit. Sur ce site, je publierai des archives, cartes, interviews en vidéo et autres petits cailloux. Ces cailloux déposés sur les tombes juives en mémoires des disparus qu’on n’oublie pas.

Nous vivrons cette aventure ensemble. Vous suivrez Isidore, Simone, Monique, Marylène, Joseph, Florence, Léon, Victor, Rachel, Nissim, Mazalto, Marco, Louise, Florimond, Marie-Louise, mais aussi De Gaulle, Dunoyer de Segonzac, Gamzon… Les disparus seront vivants. Les vivants le resteront. Contre les abysses.

Simon Louvet

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